orthodoxie

Constantinople au XIVe siècle

Constantinople au XIVe siècle

Constantinople au XIVe siècleJ’aurais aimé avoir réalisé cette carte pour ma thèse mais, à cette époque, je n’utilisais pas de logiciel cartographie et je dessinais sous Illustrator. Même s’il y a encore des imperfections, le résultat est déjà meilleur, en particulier par la prise en compte de la topographie.

J’ai corrigé les côtes en utilisant des ouvrages sur Constantinople à l’époque byzantine, en particulier le classique de Raymond Janin, Constantinople byzantine : développement urbain et répertoire topographique de Raymond Janin. Pour le placement des églises et monastères dont la localisation est incertaine ou inconnue, j’ai repris les conclusions de byzantinistes plus compétents que moi sur le sujet. Les erreurs en la matière sont donc entièrement les miennes !

Logiciels utilisés : QGIS pour la conception de la carte, Illustrator pour la mise en forme, Photoshop pour l’application de l’ombrage.

Projection : projection de Gauss-Krüger (projection transverse de Mercator). Méridien central : 29°E.

Modèle numérique de terrain (topographie et ombrage) : EU-DEM (Digital elevation model over Europe).

Au XIVe s., Constantinople n’est plus que l’ombre d’elle-même. Avant la quatrième croisade, elle était la ville la plus riche et la plus peuplée de la Chrétienté, avec probablement environ 400 000 habitants. Les événements de 1203-1204 ont durablement marqué le paysage urbain : trois grands incendies, une émeute anti-latine et le pillage qui a suivi la prise de la ville par les croisés ont détruit un tiers des bâtiments. La ville s’est considérablement dépeuplée à l’époque des Latins (1204-1261), sans que les Latins soient suffisamment nombreux pour compenser les départs. De nombreux quartiers sont laissés à l’abandon, et les matériaux des bâtiments délaissés, y compris les églises et palais, sont réutilisés pour l’entretien du reste. L’empereur a définitivement abandonné le Grand Palais pour résider dans le palais des Blachernes. Malgré d’importants travaux lors du règne de Michel VIII Paléologue (r. 1259-1281) et un relatif repeuplement, un des lieux communs de la littérature du XIVe s. sur Constantinople est de se lamenter sur sa splendeur perdue. Nombre de voyageurs décrivent une ville à moitié en ruines, avec des îlots d’habitat urbain séparés par des champs et des terrains vagues.

Ces voyageurs décrivent aussi une ville qui a conservé son pouvoir de fascination, avec ses nombreuses églises et monastères, dont de nombreux fondés ou restaurés à l’époque des Paléologues (1261-1453), les riches palais de l’aristocratie et ses impressionnantes murailles. Constantinople continue d’être un important centre économique (ici aussi, bien inférieur à ce qu’elle était avant 1204), même si l’essentiel du commerce se fait au profit des marchands génois installés dans le quartier de Galata, de l’autre côté de la Corne d’Or, et qui fait figure de ville indépendante à côté de la ville.

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

Cette carte a participé au #30DayMapChallenge 2021 (jour 16 : urbain / rural).

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Part de chrétiens dans le monde

Le christianisme dans le monde

Part de chrétiens dans le mondeLa représentation des religions à l’échelle mondiale est toujours problématique. J’ai ici choisi la solution de facilité en utilisant des statistiques par pays, même si la collecte des données n’est pas la même partout. Les chiffres servent plus à donner un ordre d’idées. Cette série comporte une carte générale, et quatre sur les grandes branches du christianisme.

Les dégradés de couleur indique la part des chrétiens dans la population. J’ai utilisé une couleur pour les pays à majorité chrétienne et une autre pour le reste. Pour les cartes détaillées, ça donne trois couleurs différentes : une lorsque l’Église représentée est majoritaire, une autre lorsqu’elle est minoritaire dans un pays à majorité chrétienne, une dernière lorsqu’elle minoritaire ailleurs. Je ne l’ai pas fait pour les chrétiens d’Orient car cela aurait inutilement compliqué les choses.

J’ai aussi indiqué quelques valeurs absolues, ce qui permet de montrer le(s) centre(s) de gravité du monde chrétien.

Pour la projection, j’ai repris la projection de Robinson en décalant le méridien central de manière à ne pas séparer la péninsule de Tchoukotka du reste de la Sibérie.

Projection : Projection de Robinson. Méridien central : 11°E.

Côtes, cours d’eau et lacs : Natural Earth.

Frontières :  Natural Earth.

Avec environ 2,4 milliards de fidèles, le christianisme est la première religion mondiale. La répartition des chrétiens dans le monde est le résultat de l’histoire du christianisme. L’Europe, cœur historique, reste importante même si poids relatif est en diminution. L’implantation sur le continent américain et aux Philippines est le résultat de la première colonisation. L’Afrique subsaharienne est convertie lors de la deuxième colonisation. À cela s’ajoute des minorités chrétiennes historiques (cf. infra la carte sur les chrétiens d’Orient) en Afrique et en Asie.

Les différentes Églises chrétiennes ont des répartitions spécifiques.

Part de catholiques dans le monde

Les catholiques (1,2 à 1,3 milliards) se trouvent essentiellement en Europe et en Amérique latin, ainsi qu’aux Philippines. Ils sont en situation minoritaires dans le monde protestant.

 

Les protestants (800 millions à 1 milliards) sont présentés ici en bloc malgré leur variété. Ils sont souvent en situation de minorité, ou en majorité relative (par exemple aux États-Unis).

Le monde orthodoxe (300 à 350 millions, dont la moitié relève du patriarcat de Moscou) est assez étanche et ramassé. La diffusion de l’orthodoxie hors de son foyer traditionnel est lié aux diasporas récentes.

Les chrétiens d’Orient (environ 80 millions) sont le plus souvent minoritaires hors de leur foyer historique, sauf pour l’Église arménienne et l’Église éthiopienne. Il constituent des diasporas numériquement très importantes par rapport au lieu d’origine.

Ces cartes ont été élaborées comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

La carte sur le catholicisme a participé au #30DayMapChallenge 2021 (jour 12 : Data Challenge 2 – Natural Earth).

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Église russe 1939-1953

Le retour du patriarcat de Moscou

L’importante contribution à la victoire des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale a permis à l’URSS de devenir une puissance de premier plan. Le changement d’attitude des autorités soviétiques à l’égard de l’Église orthodoxe russe a aussi permis un retour du patriarcat de Moscou, affaibli après la révolution russe. L’effort de mobilisation de la population s’est traduit par la fin des persécutions religieuses (du moment que les autorités religieuses n’appellent pas à des activités anti-soviétiques), avec notamment la reconnaissance de l’autocéphalie de l’Église géorgienne.

Sur un plan plus concret, le régime soviétique entend utiliser l’orthodoxie pour éviter que la religion ne devienne une source de contestation. Après l’annexion des pays baltes en 1940, l’URSS interdit les Églises locales rattachées au patriarcat de Constantinople et rétablit l’autorité du patriarcat de Moscou à travers un exarchat balte, dont l’autonomie de façade est supprimée lors de la reconquête de la région en 1944. Lors de l’effondrement de l’URSS, cela crée un conflit de juridiction en Estonie, dont le gouvernement autorise la réinstallation de l’Église orthodoxe rattachée à Constantinople et qui ne peut être soupçonnée de favoriser l’influence russe dans le pays.

La situation en Ukraine pendant l’occupation allemande montre bien les enjeux de cette question. Les Allemands ont mis en place un Commissariat du Reich (Reichskommissariat Ukraine) qui n’a pas pour objectif la création d’une Ukraine indépendante, mais la préparation de la colonisation allemande de la région. Du coup, ils passent à côté des problèmes religieux des Ukrainiens. Coupée de Moscou par l’invasion, la hiérarchie dépendant du patriarcat de Moscou s’organise localement dans l’esprit du précédent de 1920. On assiste aussi à une réinstallation de l’Église autocéphale ukrainienne avec l’aide de l’Église orthodoxe polonaise, et même à un rapprochement des deux hiérarchies ukrainiennes concurrentes. La reconquête de l’Ukraine par l’Armée rouge rétablit l’autorité du patriarcat de Moscou.

À la fin de la guerre, l’URSS fait du patriarcat de Moscou la seule autorité religieuse légitime du pays — sauf en Géorgie, où l’Église géorgienne a été autorisée en 1943 — ce qui entraîne des frictions avec l’Église roumaine, qui a étendu son autorité sur la Bessarabie (la République socialiste soviétique moldave pour l’URSS) pendant l’Entre-deux-guerres. On retrouve la politique menée lors de l’expansion de l’Empire russe, en particulier à l’égard des Églises dites uniates, qui sont contraintes de réunir des synodes de retour à l’Église orthodoxe, et ne survivent que dans la clandestinité et la diaspora. Cette politique est étendue à toute la zone d’influence soviétique : seules la Hongrie et la Yougoslavie laissent exister ces Églises. Néanmoins, l’URSS limite l’influence du patriarcat de Moscou à ses frontières : les orthodoxes de Tchécoslovaquie sont ainsi regroupé dans une Église spécifique, dont l’autocéphalie est proclamée par le patriarche de Moscou en 1951 ; elle n’est reconnue par Constantinople qu’en 1998.

On observe aussi une baisse des tensions au sein du monde orthodoxe : en 1945, la réconciliation entre le patriarcat de Constantinople et l’Église bulgare met fin au schisme bulgare qui dure depuis 1872 et permet la restauration du patriarcat de Bulgarie.

Église russe 1939-1953

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
Natural Earth

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Église russe 1914-1939

Les Églises orthodoxes dans l’Entre-deux-guerres

Pendant l’Entre-deux-guerres, l’orthodoxie et les Églises orthodoxes ont connu de profondes réorganisations. La Première Guerre mondiale s’est achevée dans d’importants troubles liés à l’effondrement des grands empires multinationaux (Russie, Autriche-Hongrie, Empire ottoman), qui laissent place à des États-nations. La conception qui lie autocéphalie et souveraineté complète, est toujours à l’œuvre. Cette fois-ci, c’est l’Église russe qui perd le plus, avec une tentative du patriarcat de Constantinople pour reprendre la main.

Dans les Balkans, le processus qui a commencé un siècle auparavant s’achève. L’Église autocéphale albanaise est constitué en 1922. Depuis la fin du XIXe s., les orthodoxes albanais s’efforcent de créer une expression albanaise de l’orthodoxie pour qu’on cesse d’assimiler orthodoxes et Grecs, dans un contexte où l’Albanie indépendante doit faire face à l’irrédentisme grec et à la présence d’une importante minorité grecque dans le sud du pays. Le patriarcat de Constantinople reconnaît cette autocéphalie en 1937.

La création du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (qui devient Yougoslavie en 1929) permet l’extension de l’influence de l’Église serbe. En 1920, elle absorbe le patriarcat de Karlowitz (Carlovci), créé en 1848 par l’Autriche pour superviser l’Église serbe présente dans l’empire des Habsbourgs. Le métropolite de Belgrade prend alors le titre de patriarche serbe.

Dans le même ordre d’idées, le métropolite de Bucarest est élevé à la dignité de patriarche en 1925. En revanche, la situation de l’Église bulgare ne change pas du fait de la brouille entre l’exarque bulgare et le patriarche de Constantinople.

Les bouleversements les plus importants se produisent dans l’Église russe. À l’occasion de la révolution, l’Église russe procède à l’élection d’un patriarche, ce qui ne s’était pas produit depuis 1700, lorsque Pierre le Grand avait interdit qu’on élise un nouveau patriarche. La guerre civile (1918-1921) et l’offensive anti-religieuse du nouveau pouvoir conduisent le patriarche Tikhon (r. 1917-1925) à prendre une décision fondamentale. Le 7 novembre 1920, il autorise les évêques coupés du patriarcat à prendre localement les mesures nécessaires au bon fonctionnement de leur Église en attendant la normalisation de la situation. Cela conduit certaines Églises situées sur le territoire russe en 1914, mais en dehors de la Russie soviétique, à s’organiser en Églises autonomes. Les Églises finlandaise, estonienne et lettonne choisissent de se rattacher au patriarcat de Constantinople en échange du maintien de leurs traditions. C’est l’origine du conflit de juridiction sur l’Estonie qui a opposé Constantinople et Moscou et entraîné une brève rupture en 1996.

L’Église orthodoxe polonaise obtient l’autocéphalie en 1924. C’est un élément important pour le bon fonctionnement de l’Église, dans un contexte où l’État polonais restauré prend le contre-pied de la politique menée lors de la domination russe en soutenant le catholicisme, y compris l’Église grecque catholique, qui connaît un renouveau, et où les orthodoxes appartiennent surtout aux minorités nationales (Biélorusses et Ukrainiens) de l’Est du pays. Dans le tómos (décret) qui accorde l’autocéphale à l’Église orthodoxe polonaise (13 novembre 1924), le patriarche de Constantinople, Grégoire VII, développe une argumentation qui a des conséquences à long terme. Il rappelle d’abord que la tradition de l’Église orthodoxe est que l’Église s’adapte aux réalités politiques et administratives de son temps. Surtout, il affirme que la métropole de Kiev (dont est issue la métropole de Pologne) a été séparée du patriarcat de Constantinople contrairement au droit canon. Cet argument est repris lors dans le tómos accordant l’autocéphalie à l’Église ukrainienne (5 janvier 2019).

La diaspora russe organise l’Église orthodoxe russe hors frontières, qui s’installe en Yougoslavie, dans les bâtiments libérés par le patriarche serbe de Karlovci. Cette structure, qui répond au départ aux nécessités d’organisations évoquées par le patriarche Tikhon, se montre très critique du régime soviétique ; elle rompt avec le patriarcat de Moscou lorsque celui-ci décide de se soumettre aux autorités soviétiques (1925).

D’autres Églises n’ont pas eu le même succès. La tentative d’indépendance de l’Ukraine, qui se solde par une reprise en main par les Soviétiques après une terrible guerre civile (1918-1921), s’accompagne de la création d’une Église autocéphale ukrainienne, qui existe parallèlement à l’exarchat d’Ukraine mis en place par le patriarcat de Moscou pour accorder une forme d’autonomie à l’Église ukrainienne. Avec la victoire des communistes, et la création de l’URSS, dont l’Ukraine est une république fondatrice, le nouveau pouvoir favorise le patriarcat de Moscou et finit par dissoudre l’Église autocéphale ukrainienne, qui survit en partie dans la diaspora et se réinstalle en Ukraine avec la fin de l’URSS.

L’Église géorgienne tente de restaurer son indépendance perdue lors de la conquête russe du Caucase. Ici aussi, lorsque l’Armée rouge conquiert la Transcaucasie pour y établir un régime soviétique, l’Église géorgienne est dissoute, mais elle parvient à survivre dans la clandestinité avan d’être reconnue par les autorités soviétiques (et le patriarcat de Moscou) en 1943.

Église russe 1914-1939

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
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Patriarcat Moscou 1813-1914

Nationalités et autocéphalie au XIXe s.

Au XIXe s., le monde orthodoxe prend un nouveau visage avec la montée en puissance des nationalités. Dès la création du patriarcat bulgare au Moyen Âge, l’autocéphalie est devenue un élément de souveraineté. L’essor des États-nation tend à créer des Églises nationales, ce qui est en contradiction avec le principe de territorialité sur lequel est fondé l’orthodoxie — c’est -à-dire que le fidèle doit relever d’une Église en fonction du lieu où il se trouve et non selon sa nationalité. Cela crée des situations complexes en diaspora, où les Églises autocéphales ont mis en place des structures parallèles qui coexistent sur le même territoire : le fidèle ne relève pas de l’évêque orthodoxe du lieu (puisqu’il y en a plusieurs), mais de telle ou telle Église autocéphale en fonction de son pays d’origine (patriarcat de Constantinople pour les Grecs, patriarcat de Moscou pour les Russes, patriarcat serbe pour les pays de l’ex-Yougoslavie, etc.).

Au cours du XIXe s., la déprise de l’Empire ottoman dans les Balkans se traduit aussi par une rétraction du patriarcat de Constantinople. En effet, les nations de la région se construisent politiquement contre l’Empire ottoman, et religieusement contre le patriarcat de Constantinople, perçu comme trop proche du pouvoir. Dans un monde où l’Église et l’État sont liés, il ne peut y avoir d’indépendance nationale sans indépendance spirituelle.

Une crise importante a lieu en 1872 : l’Empire ottoman essaie d’enrayer la montée du nationalisme bulgare par la création d’un exarchat bulgare, installé à Constantinople, et qui proclame son indépendance vis-à-vis du patriarcat de Constantinople. Le patriarche refuse de voir une partie de son ressort lui échapper sur une base nationale (et non du fait d’une indépendance qu’il faut admettre) et réunit un synode qui condamne le phylétisme (qu’on pourrait traduire par nationalisme religieux), c’est-à-dire que l’Église ne saurait être confondue avec une nation ou un peuple. Ce faisant, le synode pose les bases d’un problème fondamental de l’orthodoxie à l’époque contemporaine.

Le schisme entre l’Église bulgare et le patriarcat de Constantinople n’est réduit qu’après la Seconde Guerre mondiale…

Patriarcat Moscou 1813-1914

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
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Église russe 1589-1839

L’expansion du patriarcat de Moscou

L’autocéphalie de la métropole de Moscou a entraîné la division de l’Église russe. Le patriarche de Constantinople a en effet réinstallé un métropolite de Kiev qui a autorité sur les orthodoxes de l’État de Pologne-Lituanie. L’extension progressive de la Russie laisse les deux pays face-à-face pour le contrôle de l’Europe orientale, ce qui a aussi des effets sur un plan religieux.

À la fin du XVIe s., les orthodoxes de la Pologne-Lituanie se trouvent dans un pays dont le souverain, catholique, se perçoit comme le promoteur de la Réforme catholique en Europe orientale. Sur un plan plus politique, leur foi les rend suspects d’accointances avec la Russie. Lors d’un synode à Brześć (auj. Brèst) en 1590, le métropolite de Kiev, Michał Rahoza (biélorusse Mihal Rahoza, ukrainien Mihajlo Rohoza), et ses évêques signent une déclaration sollicitant une union avec l’Église romaine : ils acceptent de reconnaître l’autorité du pape et la théologie latine (Filioque, purgatoire) en échange du maintien de leur liturgie, leur droit canon et leurs traditions. Le pape Clément VIII (r. 1592-1605) accepte, et l’union est formellement proclamée en 1595. L’Église est dite uniate parce qu’elle est unie à Rome — adjectif abandonné car utilisé de manière péjorative par les orthodoxes — et ruthène car c’est la translitération du latin Ruthenus, qui signifie russe.

La même logique d’union par petites touches se retrouve dans les territoires des Habsbourgs, où plusieurs Églises orthodoxes se rallient à l’Église romaine. Les Habsbourgs ne se limitent pas à la stratégie d’union : ils mettent en place une métropole serbe. Lors de la Grande Guerre turque (1683-1699), les troupes des Habsbourgs ont franchi le Danube, ce qui a conduit à un soulèvement des Serbes. Avec la fin de la rébellion, nombre d’entre eux, conduits par le patriarche Arsenije III, se réfugient dans les territoires des Habsbourgs. L’empereur Léopold Ier (r. 1658-1705) reconnaît Arsenije III comme le chef spirituel des Serbes dans ses États. Après la mort d’Arsenije en 1706, l’empereur Joseph Ier (r. 1705-1711) décide d’abolir le titre patriarcal et crée la métropole de Karlowitz comme siège de l’Église serbe dans la monarchie des Habsbourgs.

L’expansion de la Russie entraîne l’extension du ressort du patriarcat de Moscou. La conquête de Kiev (1667) est un événement majeur. Pour Moscou, la possession de la capitale du premier État russe est une étape importante dans le « rassemblement des terres russes ». Kiev est aussi le berceau du christianisme en Russie. Dans un premier temps, le métropolite orthodoxe réinstallé par le patriarche de Constantinople après l’union de Brest se réfugie à Czehryń (auj. Čyhyryn) en 1657. Voyant que le patriarche de Moscou est décidé à prendre en charge la métropole de Kiev (il nomme un métropolite en 1685), le patriarche se résout à trouver un terrain d’entente.

Dans une lettre de 1686, le patriarche de Constantinople confie au patriarche de Moscou l’intronisation du métropolite de Kiev, à condition que l’Église continue de commémorer le patriarche de Constantinople et que le métropolite soit élu par le clergé de la métropole. Ce document est au cœur de la crise actuelle entre les deux patriarcats. Moscou considère qu’il s’agit d’un transfert pur et simple, et que la métropole de Kiev relève du patriarcat de Moscou, ce qui permet l’unité de l’Église russe. Constantinople y voit au contraire un expédient, une « économie* » : le patriarche de Constantinople n’a pas la capacité de s’opposer à la prise en charge par Moscou, donc il vaut mieux s’y résoudre plutôt que de créer plus de troubles.

Comme cela avait été le cas avec l’Empire byzantin, les conquêtes russes se traduisent par une absorption des autres Églises. Au début du XIXe s., la conquête du Caucase entraîne la disparition des Églises géorgiennes. Le particularisme de l’Église géorgienne est formellement pris en compte par la création d’un exarchat au sein du patriarcat de Moscou… mais l’exarque et le haut clergé sont russes et ignorent tout de la Géorgie.

À l’ouest, le dépeçage de la Pologne produit des effets contrastés sur l’Église ruthène. Dans la partie autrichienne, elle est consolidée par la création d’une métropole à Lemberg (auj. Lviv) et la restructuration en Église grecque catholique : grecque de par sa tradition byzantine, catholique par son rattachement à Rome — l’expression grecque catholique a d’ailleurs finit par remplacer le terme uniate. En revanche, dans la partie russe, elle subit la pression des autorités, jusqu’à la réunion d’un synode à Polotsk (1839), où une partie du clergé de l’Église ruthène rejette l’union avec Rome et proclame son retour à l’orthodoxie dans le giron du patriarcat de Moscou. Une partie rejette l’accord et tente de faire survivre l’Église ruthène, dont tous les biens ont été transférés à l’Église orthodoxe russe, dans la clandestinité.

* l’économie, du grec oikonomía (οἰκονομία), désigne le fait de ne pas appliquer la loi ou la règle car cette application compliquerait la situation au lieu de résoudre le problème.

Église russe 1589-1839

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
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Église russe 988-1589

La naissance de l’Église russe

L’Église russe apparaît avec le baptême du prince Volodiměrŭ (Vladimir en russe, Volodymyr en ukrainien, Uladzimir en biélorusse) à la fin du Xe s. (la date traditionnellement retenue est 988). Comme cette conversion était un des éléments qui scellait l’alliance entre la Russie et l’Empire byzantin, le patriarcat de Constantinople a tout fait pour éviter que ne se reproduise le cas bulgare, où une Église locale avait donné naissance à une Église autocéphale. De fait, malgré son éloignement, la métropole de Kiev est solidement ancrée dans le patriarcat de Constantinople.

Le XIIIe s. connaît de profondes modifications des équilibres au sein du monde orthodoxe. Après la conquête de Constantinople par les croisés en 1204, le patriarche s’installe à Nicée, où les Laskarides tentent de reconstituer un État byzantin. Il entre en conflit avec l’archevêque d’Ochrid, qui soutient un concurrent installé dans les anciennes provinces occidentales. Pour saper l’autorité de ce dernier, qui a juridiction sur les Slaves des Balkans, le patriarche reconnaît l’autocéphalie de l’Église bulgare, recréée en 1185, et accorde même l’autocéphalie à l’Église serbe. Ces Églises disparaissent au profit du patriarcat de Constantinople avec la conquête ottomane tant elles apparaissent comme des éléments de souveraineté de la Bulgarie et de la Serbie.

En Russie, l’invasion mongole a parachevé le processus de désagrégation en principautés. Le métropolite de Kiev se réfugie au nord, auprès de princes restés indépendants, à Vladimir puis à Moscou. Le patriarcat de Constantinople garde cependant le contrôle de la situation malgré des velléités d’émancipation. L’unité de l’Église russe est parfois remise en cause par la création d’une autre métropole pour couvrir les terres russes occidentales.

L’union des Églises est à l’origine de l’autocéphalie de l’Église russe. Le concile de Ferrare-Florence met fin au schisme entre les Églises latine et byzantine. L’Église byzantine reconnaît notamment la primauté pontificale ou la doctrine du purgatoire afin que le pape prêche une croisade contre les Ottomans en passe d’achever la conquête de l’Empire byzantin. Cet expédient politique fait l’objet d’un important rejet dans le monde orthodoxe.

L’Église russe en profite pour couper les ponts avec Constantinople, dont le patriarche est considéré comme hérétique pour s’être rallié aux Latins. En 1448, les évêques russes élisent le métropolite de Kiev (qui devient métropolite de Moscou en 1461) sans en référer à Constantinople. En 1458, le patriarche de Constantinople réinstalle un métropolite de Kiev et de toute la Russie, mais dont l’autorité est de facto limitée au territoire de l’État polono-lituanien. Lors d’un voyage en Russie, le patriarche de Constantinople, Jérémie II (r. 1572-1579, 1580-1584 et 1587-1595) accepte l’élévation du métropolite de Moscou au rang de patriarche. Le 26 janvier (5 février en calendrier grégorien) 1589, le métropolite Iov (Job) est intronisé patriarche de Moscou et de toute la Russie.

Église russe 988-1589

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
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Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
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Territoire Églises orthodoxess

Les Églises autocéphales

Territoire Églises orthodoxesLe monde orthodoxe est un monde mal connu, en particulier son organisation en Églises autocéphales. L’objectif de cette carte est donc de montrer les différents territoires canoniques et leur lien plus ou moins marqué avec les frontières des pays de tradition orthodoxe. Cela produit de nombreux points de contestation, signalés par des hachures, dont le plus important est L’Ukraine. L’histoire de cette complexification fait l’objet d’une série de cartes.

En plus des Églises autocéphales, j’ai représenté les Églises autonomes, ce qui est un moyen pour prendre en compte des spécificités locales.

Cette carte se concentre sur le cœur du monde orthodoxe mais, à ce titre comporte des manques. D’abord, il manque les territoires canoniques extra-européens : l’Église orthodoxe russe en Amérique (dont l’autocéphalie est partiellement reconnue), et les Églises autonomes de Chine et du Japon (patriarcat de Moscou). Étendre le domaine couvert aurait rendu la carte plus complexe pour un gain minime. La diaspora n’a pas non plus été prise en compte : son organisation très complexe nécessiterait plutôt une carte spécifique. Dernier manque : les Églises non canoniques, c’est-à-dire des Églises orthodoxes qui ne sont reconnues par aucune des Églises autocéphales, ne sont pas figurées, par crainte de rendre la carte trop complexe et illisible.

Logiciels utilisés : QGIS pour la conception de la carte, Illustrator pour la mise en forme.

Projection : projection azimutale de Lambert. Centre : 40°N x 29°E.

Côtes, lacs et cours d’eau : GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database) et Natural Earth.


Les Églises orthodoxes ont conservé le principe pentarchique issu des conciles œcuméniques et de la législation byzantine : l’Église est considérée comme une confédération d’Églises indépendantes, ou autocéphales, du grec autós (αὐτός) [soi-même] et kephalḗ (κεφαλή) [tête] — littéralement le fait d’être sa propre tête — ce qui signifie que le primat de chaque Église autocéphale ne dépend d’aucun autre évêque.

Si les principes n’ont pas changé, le nombre d’Églises autocéphales a connu d’importantes variations. La montée en puissance de nouveaux États s’est accompagnée de l’autocéphalie, l’indépendance de l’Église étant perçue comme le pendant spirituel de la pleine souveraineté politique. À l’inverse, la disparition d’un État entraîne souvent, à terme, l’absorption de l’Église par l’Église autocéphale liée au vainqueur. La création d’une Église autocéphale n’est pas un processus clairement défini faisant l’objet d’un consensus. En définitive, c’est souvent la situation de fait — la capacité à faire accepter cette autocéphalie — qui l’emporte.

Au début du XXIe s., il existe 14 Églises autocéphales reconnues par les autres Églises orthodoxes. Certains Églises autocéphales comprennent des Églises autonomes. Le degré d’autonomie peut varier, mais la désignation du chef de cette Église est au minimum soumis à l’approbation du chef de l’Église autocéphale, dont l’autorité s’exerce en dernier ressort. 2 Églises sont partiellement reconnues. L’Église orthodoxe en Amérique, qui a obtenu son autocéphalie du patriarcat de Moscou en 1970, n’est reconnue que par le patriarcat de Moscou, le patriarcat de Géorgie, le patriarcat de Bulgarie, l’Église orthodoxe autocéphale polonaise et l’Église orthodoxe des terres tchèques et de Slovaquie.

La décision du patriarcat de Constantinople de reconnaître l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine a conduit à une rupture avec le patriarcat de Moscou le 15 octobre 2018. Ce schisme, paroxysme du conflit larvé qui oppose les deux patriarcats depuis des années, menace l’unité du monde orthodoxe. Le patriarcat de Moscou considère que la métropole de Kiev lui a été transférée à la fin du XVIIe s., et que, par conséquence, l’Église ukrainienne est dans le ressort de l’Église russe. Le patriarcat de Constantinople voit dans ce transfert un expédient lié aux circonstances, et estime que, de jure, la métropole de Kiev n’a jamais cessé de relever de son autorité. De nouvelles circonstances — l’existence d’un État ukrainien souhaitant parachever son indépendance en coupant les liens spirituels avec Moscou — lui ont permis de réaffirmer cette autorité, fondement de la reconnaissance de l’autocéphalie. Pour l’heure, le patriarcat de Constantinople est le seul à reconnaître l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine…


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Les conciles œcuméniques

Les conciles œcuméniques

Lorsque Constantin légalise le christianisme, il découvre une religion divisée par des débats sur la nature du Christ. Après sa victoire dans la guerre civile, il demande aux évêques de trancher et de définir une position qui vaudra pour toute l’Église et qu’il s’engage à faire appliquer. Il convoque donc à Nicée (Constantinople, sa nouvelle capitale, est alors en chantier) une réunion (en latin concilium, d’où concile) de l’ensemble des évêques (d’où le grec latinisé oecumenicus, universel).

Le concile de Nicée (325) condamne l’arianisme. Arius, prêtre et théologien d’Alexandrie, enseigne que Jésus est bien dieu, mais à un degré moindre que le Père. Le concile de Nicée rejette cette doctrine et, au contraire, affirme que Jésus, le Fils, est de même nature (en grec homooúsios) que le Père. Dans le cadre de cette réfutations, les participants au concile rédigent le début du Credo (en latin je crois), document important qui contient les fondements du dogme chrétien.

La condamnation de l’arianisme ne fait pas taire la querelle. Un arianisme modéré, capable de faire la jonction entre la position nicéenne et la position arienne, aparaît même : l’homoiousisme, qui professe que Jésus est de nature semblable (en grec homoioúsios) au Père. En 381, le concile de Constantinople renouvelle la condamnation de l’arianisme et condamne toute formule qui ne reconnaîtrait pas l’identité de nature entre le Père et le Fils. Le Credo est alors achevé dans la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.

Les questions de christologie se déplacent alors vers le rapport entre les deux natures (humaine et divine) de Jésus. Nestorius (v. 380 – v. 450), moine et prêtre formé à Antioche, et dont les sermons sont tellement appréciés que l’empereur Théodose II (r. 402-450) le nomme archevêque de Constantinople en 428, insiste sur leur séparation radicale, au point que Jésus Christ est deux personnes (une divine, une humaine), et que Marie n’a donné naissance qu’à la personne humaine et ne peut donc être dite Theotókos (mère de Dieu), qualificatif très populaire.

Les propositions de Nestorius déclenchent une importante controverse au sein de la Chrétienté. Pour faire taire ses adversaires, Nestorius demande à l’empereur de réunir un concile, qui se réunit à Éphèse en 431. Le concile, dominé par un de ses adversaires les plus résolus, le patriarche Cyrille d’Alexandrie (r. 412-444), condamne le nestorianisme et affirme le principe de deux natures distinctes mais unies dans une seule personne. L’Église de l’Orient, qui regroupe les chrétiens vivant dans l’Empire perse, rejette les décisions du concile et se sépare du reste de la Chrétienté. Elle est à l’origine de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient, dont un groupe a reconnu l’autorité du pape au XVIe s. et constitue l’Église catholique assyrienne.

Certains vont trop loin dans leur critique de Nestorius. Eutychès (v. 380 – v. 456), moine de Constantinople, insiste tellement sur l’unité des deux natures qu’il finit par affirmer que la nature divine a absorbé la nature humaine — on parle de monophysisme (nature unique). En 451, le concile de Chalcédoine condamne les conceptions d’Eutychès. Il en profite pour réitérer la condamnation du nestorianisme.

Le concile de Chalcédoine est à l’origine d’un nouveau schisme : le rejet des affirmations d’Eutychès est universel, mais les formulations employées par le concile, qui insistent sur la différence entre les deux natures (deux natures sans confusion, sans altération, sans division, sans séparation), sont rejetées comme nestoriennes par certaines Églises, notamment l’Église d’Alexandrie (aujourd’hui Église copte orthodoxe), bientôt rejointe par l’Église d’Antioche (aujourd’hui Église syriaque orthodoxe), l’Église arménienne ou l’Église éthiopienne. Ces Églises sont dites monophysites par les Églises chalcédoniennes, mais elles refusent ce qualificatif et condamnent le monophysisme : elles se disent non-chalcédoniennes ou Église des trois conciles. Leur christologie est en fait miaphysite (nature unifiée). Contrairement au monophysisme, il n’a pas absorption de la nature humaine par la nature divine : les deux continuent d’exister, mais elles sont unifiées en une nature (reflet de l’unicité de la personne), qui est à la fois humaine et divine.

Ce schisme est plus problématique que le schisme de l’Église de l’Orient : en effet, il touche les chrétiens à l’intérieur même de l’Empire, dans des régions dont la fidélité est primordiale pour la survie de l’Empire — L’Égypte, grenier à blé, la Syrie, frontière avec le vieil adversaire perse. Le pouvoir impérial tente donc de réduire cette fracture.

La première tentative revient à Justinien (r. 527-565). Lors du deuxième concile de Constantinople (553), il fait condamner trois théologiens tenus jusque là pour parfaitement orthodoxes mais considérés comme nestoriens par les miaphysites. Cette tentative est un échec puisque cela semble conforter les miaphysites, qui attendent que les chalcédoniens fassent le dernier pas et reconnaissent leur erreur.

La deuxième tentative est soutenue par Héraclius (r. 610-641). À l’instigation de l’empereur, le patriarche Serge (r. 610-638) explique qu’il y a une unité dernière les actions de Jésus (on parle de monoénergisme). Devant l’opposition suscitée, l’empereur interdit la discussion concernant les « énergies » de Jésus, mais mentionne une volonté unique : on parle désormais de monothélisme. Cette formule n’a pas plus de succès : le pape Martin Ier (r. 649-653) s’y oppose vigoureusement, ce qui lui vaut d’être arrêté et exilé en Crimée ; une autre figure de l’opposition est Maxime le Confesseur (580-662), qui a la langue arrachée et la main droite coupée avant d’être exilé dans le Caucase. En 680-681, le troisième concile de Constantinople condamne le monothélisme et proclame l’existence de deux volonté en Jésus, une humaine et une divine.

Les deuxième et troisième concile de Constantinople, contrairement aux autres conciles œcuméniques, n’avaient pas rédigé de canons sur l’organisation et la disciple de l’Église. L’empereur Justinien II (r. 685-695 et 705-711) réunit un concile dans le palais impérial, dans une salle à coupole (en grec troúlos) d’où le nom de concille in Trullo. On parle aussi de concile Quinisextum (en latin) ou Penthéktē (en grec), qui signifient 5-6, car il complète les décisions des cinquième et sixième conciles œcuméniques. Il reprend aussi l’ensemble de la législation conciliaire. Les Églises orthodoxes voient dans ce concile un simple addendum aux conciles œcuméniques, ce qui donne à ses décisions une portée générale, tandis que l’Église romaine, qui n’y a pas participé, considère qu’il ne s’agit, au mieux, que d’un concile local dont les décisions n’ont de portée que locale. En tout état de cause, c’est un concile fondamental pour les Églises orthodoxes.

Le septième concile œcuménique est réuni dans des circonstances différentes. au VIIIe s., l’empereur Léon III (r. 717-741) promeut l’iconoclasme, c’est-à-dire la suppression des images comme support de dévotion. Son fils, Constantin V (r. 741-775) réunit un concile à Hiéreia, qui débouche sur la condamnation des images. Cependant, la résistance à l’iconoclasme, conduite notamment par les moines, est très forte. En 787, l’impératrice Irène, agissant au nom de son fils mineur, Constantin VI (r. 780-797), convoque un concile œcuménique, qui se réunit symboliquement à Nicée — sans compter que la population de Constantinople est très favorable à l’iconoclasme. Le concile condamne l’iconoclasme et promeut une théologie complexe de vénération des images. L’iconoclasme est de nouveau remis à l’honneur entre 815 et 843 avant d’être définitivement condamné.

Il est à noter que l’Église romaine réunit par la suite 14 conciles qu’elle considère comme œcuméniques, mais qui ne sont pas reconnus par les autres Églises chrétiennes.

Les conciles œcuméniques

Cette carte a été élaborée comme support des cours sur l’histoire du christianisme et des formations sur l’orthodoxie de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection de Gauss-Krüger
Méridien standard 29°1 E
Datum WGS 84
Topographie ETOPO1
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)

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La reconquête byzantine

La reconquête byzantine

Au cours du VIIe s., l’Empire byzantin connaît une séries d’invasions qui réduisent considérablement son étendue territoriale et mettent en péril son existence même. Les empereurs des VIIIe et IXe s. ont réussi à stabiliser les frontières et à réorganiser l’Empire. Dans la seconde moitié du Xe s., l’Empire byzantin entre dans une phase d’expansion territoriale.

À l’Est, l’affaiblissement du Califat abbasside laisse, aux confins de l’Empire, une série d’émirats qui, s’ils peuvent se montrer menaçant, ne sont pas en mesure de s’opposer à la progression byzantine. L’émirat de Mélitène, qui a servi de base aux raids musulmans contre l’Empire et qui était son adversaire le plus redoutable dans la région, est conquis lors des campagnes de Jean Kourkouas en 927-934. Antioche est conquise par les Byzantins en 969 : c’est le retour dans l’Empire d’un siège patriarcal au passé prestigieux. La ville reste byzantine jusqu’à l’arrivée des Turcs à la fin du XIe siècle. Plus à l’est, les armées byzantines poussent dans les confins de l’Arménie et commencent la conquête des principautés arméniennes.

Au sud, les deux grandes îles de la Méditerranée orientale sont reprises par l’Empire. En 961, le futur empereur Nicéphore Phokas s’empare de l’émirat de Crète, ce qui met fin aux incursions arabo-musulmanes dans la mer Égée. Après une éphémère conquête pendant le règne de Basile Ier (r. 867-886), Chypre est durablement reprise en 965.

Dans les Balkans, depuis l’installation des Bulgares à la fin du VIIe s., la Bulgarie a été un formidable adversaire de l’Empire byzantin. À plusieurs reprises, les souverains bulgares ont assiégé vainement Constantinople. La conversion au christianisme n’a pas arrangé la situation : le khan bulgare a pris le titre d’empereur, et a obtenu l’indépendance de l’Église bulgare avec la création d’un patriarche. La conquête de la Bulgarie est longue est difficile. En 968, à l’instigation de l’Empire byzantin, le prince russe, Sventoslavŭ [en russe moderne Svjatoslav] (r. 945-972), envahit la Bulgarie et détruit sa capitale, Preslav. Les Byzantins, qui ne s’attendaient qu’à un raid, décident d’intervenir : Jean Ier Tzimiskès (r. 969-976) parvient à battre les Russes. Bien qu’il se présente en libérateur, il fait abdiquer le tsar Boris II (r. 969-971) et annexe l’est de la Bulgarie. Entre-temps, le patriarche Damjan (r. v. 944 – v. 972) a déplacé son siège ; un de ses successeurs, Filip (r. v. 1000 – v. 1015) se fixe à Ohrid, qui devient le nouveau centre de l’Empire bulgare.

Sous l’égide de Samuel, qui finit par être couronné tsar en 997, l’ouest de la Bulgarie oppose une résistance farouche à la conquête byzantine, jusqu’à ce que Basile II (r. 976-1025) inflige une défaite écrasante aux Bulgares lors de la bataille de Kleidion (29 juillet 1014). À l’occasion, il fait aveugler les prisonniers bulgares, sauf un sur cent qui est simplement éborgné pour pouvoir guider les autres sur le chemin du retour. L’empereur y gagne son surnom de Bulgaroktónos (tueur de Bulgares). En 1018, la Bulgarie a été conquise et la frontière de l’Empire rétablie sur le Danube. Dans la foulée, les Serbes et les Croates reconnaissent l’autorité de Byzance. Le patriarcat bulgare est supprimé et remplacé par un archevêché dépendant de Constantinople, avec haut clergé grec venu de la capitale.

À la même époque, l’unification de la Géorgie sous le roi Bagrat III (r. 1008-1014) conduit à l’élévation du catholicos en patriarche.

La reconquête byzantine

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Projection Projection conique conforme de Lambert
Parallèles standards 36°N et 44°N
Datum WGS 84
Hydrographie
(côtes, cours d’eau, lacs)
GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)

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Les montagnes monastiques

Les montagnes monastiques

Une des originalités du monachisme de la chrétienté orthodoxe est l’existence de montagnes monastiques, c’est-à-dire d’un ensemble de monastères installés sur une montagne. Ici, la montagne est un substitut aux déserts où se retirèrent les pères fondateurs du monachisme et de l’érémitisme. Aujourd’hui, seuls subsistent les Météores et le mont Athos, tous deux en Grèce, mais le phénomène a été bien plus important au Moyen Âge. Systématiquement, ces montagnes ont été le lieu de retraite d’ermites ; la popularité de ceux-ci a conduit à la construction de monastères pour leurs disciples, jusqu’au développement d’un nouveau modèle de laure, un établissement qui combine monastère cénobitique, avec quelques ermitages dépendants pour les moines prêts à se retirer plus encore du monde.

Les deux plus anciennes montagnes sont le mont Saint-Auxence et l’Olympe de Bithynie, où des ermites sont attestés respectivement aux Ve et VIe siècles. Pendant la crise iconoclaste (730-787 et 814-843), ce sont des bastions de la vénération des images. Le mont Saint-Auxence est mentionné une dernière fois à la fin du XIIIe siècle, les derniers monastères de l’Olympe de Bithynie sont attestés au XIVe siècle.

Les IXe-XIe siècles voient un renouveau de ces montagnes monastiques. La moins connue (jusqu’à sa localisation exacte) est le mont Kyminas, qui a eu l’existence la plus brève : les premiers moines sont attestés au milieu du IXe s., et les mentions disparaissent à la fin du Xe siècle. La tradition veut que le Latros ait abrité des moines fuyant les invasions arabo-musulmanes au VIIe s., mais l’activité monastique n’y est véritablement attestée qu’à la fin du VIIIe s. et ne cesse de croître… et périclite à la fin du XIIIe siècle. C’est à la fin du Xe s. qu’est fondée la plus prestigieuse de ces montagnes monastiques, au point qu’on la qualifie de sainte montagne : le mont Athos. Peu après, au début du XIe s., le mont Galèsion commence à accueillir ses premiers ermites. Au XIIIe s., il semble ne plus y avoir qu’un monastère du Galèsion, qui connaît un certain rayonnement. Le Galèsion cesse toute activité avec la conquête turque au XIVe siècle.

La dernière de ces fondations a lieu au début du XIVe siècle : les Météores, dont le développement a été aidé par l’arrivée de moines de l’Athos fuyant les raids des pirates turcs dont les monastères athonites étaient victimes dans la deuxième moitié du XIVe siècle.

montagne monastiques de la chrétienté orthodoxe

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Projection Transverse universelle de Mercator, fuseau 35 nord
Datum WGS 84
Topographie ETOPO1
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)

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