christianisme

La diffusion du christianisme dans l'Empire romain

Les débuts du christianisme

La diffusion du christianisme dans l'Empire romainLa carte sur les débuts du christianisme est un classique, mais qui pose quelques difficultés. La première est d’ordre purement factuel : il est extrêmement difficile (voire impossible) de mesurer avec un peu de précision l’extension du christianisme. En effet, le christianisme est né de l’enseignement d’un prédicateur marginal d’une religion minoritaire originaire d’une région périphérique de l’Empire : il passe donc largement inaperçu dans les sources romaines. On s’appuie sur les communautés chrétiennes connues — c’est pourquoi elles sont présentes sur la carte.

L’autre problème avec cette carte, c’est qu’elle n’indique que la présence notable de chrétiens dans telle ou telle région, c’est-à-dire qu’on n’est pas certain qu’il s’agisse d’un phénomène majoritaire. Le risque, ici, est de donner l’impression de régions (presque) entièrement acquises au christianisme, ce qui n’est pas le cas.

Néanmoins, pour l’instant, je n’ai pas trouvé mieux pour indiquer la diffusion progressive du christianisme dans l’Empire romain et ses voisins…

Logiciels utilisés : QGIS pour la conception de la carte, Illustrator pour la mise en forme.

Projection : projection azimutale équivalente de Lambert. Centre : 40°N et 19°E.

Côtes, lacs et cours d’eau : GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database) et Natural Earth.

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

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Constantinople au XIVe siècle

Constantinople au XIVe siècle

Constantinople au XIVe siècleJ’aurais aimé avoir réalisé cette carte pour ma thèse mais, à cette époque, je n’utilisais pas de logiciel cartographie et je dessinais sous Illustrator. Même s’il y a encore des imperfections, le résultat est déjà meilleur, en particulier par la prise en compte de la topographie.

J’ai corrigé les côtes en utilisant des ouvrages sur Constantinople à l’époque byzantine, en particulier le classique de Raymond Janin, Constantinople byzantine : développement urbain et répertoire topographique de Raymond Janin. Pour le placement des églises et monastères dont la localisation est incertaine ou inconnue, j’ai repris les conclusions de byzantinistes plus compétents que moi sur le sujet. Les erreurs en la matière sont donc entièrement les miennes !

Logiciels utilisés : QGIS pour la conception de la carte, Illustrator pour la mise en forme, Photoshop pour l’application de l’ombrage.

Projection : projection de Gauss-Krüger (projection transverse de Mercator). Méridien central : 29°E.

Modèle numérique de terrain (topographie et ombrage) : EU-DEM (Digital elevation model over Europe).

Au XIVe s., Constantinople n’est plus que l’ombre d’elle-même. Avant la quatrième croisade, elle était la ville la plus riche et la plus peuplée de la Chrétienté, avec probablement environ 400 000 habitants. Les événements de 1203-1204 ont durablement marqué le paysage urbain : trois grands incendies, une émeute anti-latine et le pillage qui a suivi la prise de la ville par les croisés ont détruit un tiers des bâtiments. La ville s’est considérablement dépeuplée à l’époque des Latins (1204-1261), sans que les Latins soient suffisamment nombreux pour compenser les départs. De nombreux quartiers sont laissés à l’abandon, et les matériaux des bâtiments délaissés, y compris les églises et palais, sont réutilisés pour l’entretien du reste. L’empereur a définitivement abandonné le Grand Palais pour résider dans le palais des Blachernes. Malgré d’importants travaux lors du règne de Michel VIII Paléologue (r. 1259-1281) et un relatif repeuplement, un des lieux communs de la littérature du XIVe s. sur Constantinople est de se lamenter sur sa splendeur perdue. Nombre de voyageurs décrivent une ville à moitié en ruines, avec des îlots d’habitat urbain séparés par des champs et des terrains vagues.

Ces voyageurs décrivent aussi une ville qui a conservé son pouvoir de fascination, avec ses nombreuses églises et monastères, dont de nombreux fondés ou restaurés à l’époque des Paléologues (1261-1453), les riches palais de l’aristocratie et ses impressionnantes murailles. Constantinople continue d’être un important centre économique (ici aussi, bien inférieur à ce qu’elle était avant 1204), même si l’essentiel du commerce se fait au profit des marchands génois installés dans le quartier de Galata, de l’autre côté de la Corne d’Or, et qui fait figure de ville indépendante à côté de la ville.

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

Cette carte a participé au #30DayMapChallenge 2021 (jour 16 : urbain / rural).

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Part de chrétiens dans le monde

Le christianisme dans le monde

Part de chrétiens dans le mondeLa représentation des religions à l’échelle mondiale est toujours problématique. J’ai ici choisi la solution de facilité en utilisant des statistiques par pays, même si la collecte des données n’est pas la même partout. Les chiffres servent plus à donner un ordre d’idées. Cette série comporte une carte générale, et quatre sur les grandes branches du christianisme.

Les dégradés de couleur indique la part des chrétiens dans la population. J’ai utilisé une couleur pour les pays à majorité chrétienne et une autre pour le reste. Pour les cartes détaillées, ça donne trois couleurs différentes : une lorsque l’Église représentée est majoritaire, une autre lorsqu’elle est minoritaire dans un pays à majorité chrétienne, une dernière lorsqu’elle minoritaire ailleurs. Je ne l’ai pas fait pour les chrétiens d’Orient car cela aurait inutilement compliqué les choses.

J’ai aussi indiqué quelques valeurs absolues, ce qui permet de montrer le(s) centre(s) de gravité du monde chrétien.

Pour la projection, j’ai repris la projection de Robinson en décalant le méridien central de manière à ne pas séparer la péninsule de Tchoukotka du reste de la Sibérie.

Projection : Projection de Robinson. Méridien central : 11°E.

Côtes, cours d’eau et lacs : Natural Earth.

Frontières :  Natural Earth.

Avec environ 2,4 milliards de fidèles, le christianisme est la première religion mondiale. La répartition des chrétiens dans le monde est le résultat de l’histoire du christianisme. L’Europe, cœur historique, reste importante même si poids relatif est en diminution. L’implantation sur le continent américain et aux Philippines est le résultat de la première colonisation. L’Afrique subsaharienne est convertie lors de la deuxième colonisation. À cela s’ajoute des minorités chrétiennes historiques (cf. infra la carte sur les chrétiens d’Orient) en Afrique et en Asie.

Les différentes Églises chrétiennes ont des répartitions spécifiques.

Part de catholiques dans le monde

Les catholiques (1,2 à 1,3 milliards) se trouvent essentiellement en Europe et en Amérique latin, ainsi qu’aux Philippines. Ils sont en situation minoritaires dans le monde protestant.

 

Les protestants (800 millions à 1 milliards) sont présentés ici en bloc malgré leur variété. Ils sont souvent en situation de minorité, ou en majorité relative (par exemple aux États-Unis).

Le monde orthodoxe (300 à 350 millions, dont la moitié relève du patriarcat de Moscou) est assez étanche et ramassé. La diffusion de l’orthodoxie hors de son foyer traditionnel est lié aux diasporas récentes.

Les chrétiens d’Orient (environ 80 millions) sont le plus souvent minoritaires hors de leur foyer historique, sauf pour l’Église arménienne et l’Église éthiopienne. Il constituent des diasporas numériquement très importantes par rapport au lieu d’origine.

Ces cartes ont été élaborées comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

La carte sur le catholicisme a participé au #30DayMapChallenge 2021 (jour 12 : Data Challenge 2 – Natural Earth).

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La Réforme protestante en Europe

La Réforme protestante

La Réforme protestante en EuropeLa carte religieuse de l’Europe au moment de la Réforme est un classique. J’ai longtemps hésité à m’y attaquer en raison de la complexité des figurés : beaucoup de frontières, au tracé souvent tortueux, des imbrications, et surtout des changements.

J’ai choisi de faire des grands aplats pour les grandes familles de la Réforme protestante, avec des hachures pour les zones mixtes. J’ai choisi d’indiquer les Églises hussites parce que j’en parle dans mon cours, et parce que je voulais indiquer les régions reprises par la Réforme catholique. La catholicisme est donc présent trois fois : là où il s’est maintenu, là où il vacille, et là où il reprend du terrain.

Les différentes rencontres et accords de paix, ainsi que les lieux importants pour la diffusion de la Réforme, sont représentés.

Logiciels utilisés : QGIS pour la conception de la carte, Illustrator pour la mise en forme.

Projection : projection azimutale équivalente de Lambert. Centre : 50°N x 12°E.

Côtes, cours d’eau, lacs : GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database).

Traditionnellement, la Réforme protestante commence le 31 octobre 1517, lorsque Martin Luther, un religieux de l’ordre des augustin, placarde 95 thèses sur la porte d’une église à Wittenberg. Le geste n’a rien de révolutionnaire : pendant tout le Moyen Âge, l’Église latine a régulièrement connu des réformes, dont la plus importante — mais pas la seule — est la Réforme grégorienne. Cependant, depuis le XIVe s., l’Église est plus rétive face à ceux qui proposent des changements en voulant revenir à ce qu’ils considèrent être le christianisme originel — car tel est le sens du mot réforme. De nombreux théologiens, parfois perçus comme des précurseurs de la Réforme protestante, sont ainsi condamnés pour hérésie, par exemple le Tchèque Jan Hus, dont les enseignement se diffusent en Bohème à l’occasion de la Réforme et d’un rejet des Habsbourgs.

Les propositions de Luther n’ont pas pour but de rompre avec le pape ou de créer quelque chose de nouveau, mais de revenir aux fondamentaux des sources de la foi, du Salut, des sacrements et de l’organisation de l’Église. Le pape Léon X ne veut rien entendre et excommunie Luther. L’empereur, Charles Quint, tente de réduire la progression des idées de Luther mais les efforts de conciliations ou d’interdiction échouent. Seule la paix d’Augsbourg (1555) permet d’établir un statu quo avec le principe cujus regio, ejus religio (telle région, telle religion) : le prince peut choisir la religion de ses États.

D’autres penseurs développent leurs conceptions d’une réforme de l’Église, mais sans se rattacher à la pensée de Luther. À Zurich, Ulrich Zwingli réforme l’Église de la ville. Son action est poursuivie par Jean Calvin à Genève. Les expériences helvétiques donnent naissance à l’Église réformée (dite calviniste). Malgré des tentatives de rapprochement (colloque de Marbourg en 1529), réformés et luthériens conservent leurs différences.

En France, le développement de la Réforme entraîne de nombreux remous. La régente, Catherine de Médicis, réunis des théologiens catholiques et protestants pour trouver une formule de compromis (colloque de Poissy en 1561) avant de promulguer un édit de tolérance (édit de Saint-Germain, 1562), mais la première guerre de religion éclate quelques semaines plus tard. En 1598, l’édit de Nantes met fin au conflit en accordant aux protestants la possibilité d’exercer leur culte dans des conditions particulières.

La troisième grande famille du protestantisme naît en Angleterre. Henri VIII est un opposant déterminé des idées des réformateurs, mais il entre en conflit avec le pape, qui refuse d’annuler son mariage avec Catherine d’Aragon, qui ne lui a pas donné de fils. En 1534, l’Église d’Angleterre (ou anglicane) se sépare de Rome. Il ne s’agit que d’un schisme : l’Église d’Angleterre reste catholique mais cesse de reconnaître l’autorité du pape, dont la fonction est assurée par le souverain. L’adoption de la Réforme est progressif, complexe et marqué de rebondissements, comme un bref retour dans le giron romain sous la reine Marie Ire entre 1553 et 1558. L’anglicanisme prend forme sous Elisabeth Ire avec l’adoption d’une théologie essentiellement protestante, mais le maintien de nombreux éléments catholiques.

L’idée d’une réforme de l’Église ne se limite pas aux milieux protestants. Un penseur comme Érasme accueille d’abord favorablement les idées de Luther avant d’en rejeter les développements théologiques. Ce qu’on a longtemps appelé Contre-Réforme en se limite donc pas au rejet de la réforme protestante, mais participe à une réflexion sur l’Église romaine, si bien qu’on parle de plus en plus de Réforme catholique. Le concile de Trente (1545-1563) réaffirme les points essentiels du christianisme romain : rôle des Écritures, des sacrements, des saints, du clergé, mais procède à d’importantes modifications liturgiques et réorganise la formation du clergé (création des séminaires).

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

Cette carte a participé au #30DayMapChallenge 2021 (jour 3 : polygones).

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Église russe 1939-1953

Le retour du patriarcat de Moscou

L’importante contribution à la victoire des Alliés pendant la Seconde Guerre mondiale a permis à l’URSS de devenir une puissance de premier plan. Le changement d’attitude des autorités soviétiques à l’égard de l’Église orthodoxe russe a aussi permis un retour du patriarcat de Moscou, affaibli après la révolution russe. L’effort de mobilisation de la population s’est traduit par la fin des persécutions religieuses (du moment que les autorités religieuses n’appellent pas à des activités anti-soviétiques), avec notamment la reconnaissance de l’autocéphalie de l’Église géorgienne.

Sur un plan plus concret, le régime soviétique entend utiliser l’orthodoxie pour éviter que la religion ne devienne une source de contestation. Après l’annexion des pays baltes en 1940, l’URSS interdit les Églises locales rattachées au patriarcat de Constantinople et rétablit l’autorité du patriarcat de Moscou à travers un exarchat balte, dont l’autonomie de façade est supprimée lors de la reconquête de la région en 1944. Lors de l’effondrement de l’URSS, cela crée un conflit de juridiction en Estonie, dont le gouvernement autorise la réinstallation de l’Église orthodoxe rattachée à Constantinople et qui ne peut être soupçonnée de favoriser l’influence russe dans le pays.

La situation en Ukraine pendant l’occupation allemande montre bien les enjeux de cette question. Les Allemands ont mis en place un Commissariat du Reich (Reichskommissariat Ukraine) qui n’a pas pour objectif la création d’une Ukraine indépendante, mais la préparation de la colonisation allemande de la région. Du coup, ils passent à côté des problèmes religieux des Ukrainiens. Coupée de Moscou par l’invasion, la hiérarchie dépendant du patriarcat de Moscou s’organise localement dans l’esprit du précédent de 1920. On assiste aussi à une réinstallation de l’Église autocéphale ukrainienne avec l’aide de l’Église orthodoxe polonaise, et même à un rapprochement des deux hiérarchies ukrainiennes concurrentes. La reconquête de l’Ukraine par l’Armée rouge rétablit l’autorité du patriarcat de Moscou.

À la fin de la guerre, l’URSS fait du patriarcat de Moscou la seule autorité religieuse légitime du pays — sauf en Géorgie, où l’Église géorgienne a été autorisée en 1943 — ce qui entraîne des frictions avec l’Église roumaine, qui a étendu son autorité sur la Bessarabie (la République socialiste soviétique moldave pour l’URSS) pendant l’Entre-deux-guerres. On retrouve la politique menée lors de l’expansion de l’Empire russe, en particulier à l’égard des Églises dites uniates, qui sont contraintes de réunir des synodes de retour à l’Église orthodoxe, et ne survivent que dans la clandestinité et la diaspora. Cette politique est étendue à toute la zone d’influence soviétique : seules la Hongrie et la Yougoslavie laissent exister ces Églises. Néanmoins, l’URSS limite l’influence du patriarcat de Moscou à ses frontières : les orthodoxes de Tchécoslovaquie sont ainsi regroupé dans une Église spécifique, dont l’autocéphalie est proclamée par le patriarche de Moscou en 1951 ; elle n’est reconnue par Constantinople qu’en 1998.

On observe aussi une baisse des tensions au sein du monde orthodoxe : en 1945, la réconciliation entre le patriarcat de Constantinople et l’Église bulgare met fin au schisme bulgare qui dure depuis 1872 et permet la restauration du patriarcat de Bulgarie.

Église russe 1939-1953

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
Natural Earth

Licence Creative Commons
Cette œuvre est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons Attribution – Pas d’Utilisation Commerciale – Partage dans les Mêmes Conditions 4.0 International.

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Église russe 1914-1939

Les Églises orthodoxes dans l’Entre-deux-guerres

Pendant l’Entre-deux-guerres, l’orthodoxie et les Églises orthodoxes ont connu de profondes réorganisations. La Première Guerre mondiale s’est achevée dans d’importants troubles liés à l’effondrement des grands empires multinationaux (Russie, Autriche-Hongrie, Empire ottoman), qui laissent place à des États-nations. La conception qui lie autocéphalie et souveraineté complète, est toujours à l’œuvre. Cette fois-ci, c’est l’Église russe qui perd le plus, avec une tentative du patriarcat de Constantinople pour reprendre la main.

Dans les Balkans, le processus qui a commencé un siècle auparavant s’achève. L’Église autocéphale albanaise est constitué en 1922. Depuis la fin du XIXe s., les orthodoxes albanais s’efforcent de créer une expression albanaise de l’orthodoxie pour qu’on cesse d’assimiler orthodoxes et Grecs, dans un contexte où l’Albanie indépendante doit faire face à l’irrédentisme grec et à la présence d’une importante minorité grecque dans le sud du pays. Le patriarcat de Constantinople reconnaît cette autocéphalie en 1937.

La création du Royaume des Serbes, Croates et Slovènes (qui devient Yougoslavie en 1929) permet l’extension de l’influence de l’Église serbe. En 1920, elle absorbe le patriarcat de Karlowitz (Carlovci), créé en 1848 par l’Autriche pour superviser l’Église serbe présente dans l’empire des Habsbourgs. Le métropolite de Belgrade prend alors le titre de patriarche serbe.

Dans le même ordre d’idées, le métropolite de Bucarest est élevé à la dignité de patriarche en 1925. En revanche, la situation de l’Église bulgare ne change pas du fait de la brouille entre l’exarque bulgare et le patriarche de Constantinople.

Les bouleversements les plus importants se produisent dans l’Église russe. À l’occasion de la révolution, l’Église russe procède à l’élection d’un patriarche, ce qui ne s’était pas produit depuis 1700, lorsque Pierre le Grand avait interdit qu’on élise un nouveau patriarche. La guerre civile (1918-1921) et l’offensive anti-religieuse du nouveau pouvoir conduisent le patriarche Tikhon (r. 1917-1925) à prendre une décision fondamentale. Le 7 novembre 1920, il autorise les évêques coupés du patriarcat à prendre localement les mesures nécessaires au bon fonctionnement de leur Église en attendant la normalisation de la situation. Cela conduit certaines Églises situées sur le territoire russe en 1914, mais en dehors de la Russie soviétique, à s’organiser en Églises autonomes. Les Églises finlandaise, estonienne et lettonne choisissent de se rattacher au patriarcat de Constantinople en échange du maintien de leurs traditions. C’est l’origine du conflit de juridiction sur l’Estonie qui a opposé Constantinople et Moscou et entraîné une brève rupture en 1996.

L’Église orthodoxe polonaise obtient l’autocéphalie en 1924. C’est un élément important pour le bon fonctionnement de l’Église, dans un contexte où l’État polonais restauré prend le contre-pied de la politique menée lors de la domination russe en soutenant le catholicisme, y compris l’Église grecque catholique, qui connaît un renouveau, et où les orthodoxes appartiennent surtout aux minorités nationales (Biélorusses et Ukrainiens) de l’Est du pays. Dans le tómos (décret) qui accorde l’autocéphale à l’Église orthodoxe polonaise (13 novembre 1924), le patriarche de Constantinople, Grégoire VII, développe une argumentation qui a des conséquences à long terme. Il rappelle d’abord que la tradition de l’Église orthodoxe est que l’Église s’adapte aux réalités politiques et administratives de son temps. Surtout, il affirme que la métropole de Kiev (dont est issue la métropole de Pologne) a été séparée du patriarcat de Constantinople contrairement au droit canon. Cet argument est repris lors dans le tómos accordant l’autocéphalie à l’Église ukrainienne (5 janvier 2019).

La diaspora russe organise l’Église orthodoxe russe hors frontières, qui s’installe en Yougoslavie, dans les bâtiments libérés par le patriarche serbe de Karlovci. Cette structure, qui répond au départ aux nécessités d’organisations évoquées par le patriarche Tikhon, se montre très critique du régime soviétique ; elle rompt avec le patriarcat de Moscou lorsque celui-ci décide de se soumettre aux autorités soviétiques (1925).

D’autres Églises n’ont pas eu le même succès. La tentative d’indépendance de l’Ukraine, qui se solde par une reprise en main par les Soviétiques après une terrible guerre civile (1918-1921), s’accompagne de la création d’une Église autocéphale ukrainienne, qui existe parallèlement à l’exarchat d’Ukraine mis en place par le patriarcat de Moscou pour accorder une forme d’autonomie à l’Église ukrainienne. Avec la victoire des communistes, et la création de l’URSS, dont l’Ukraine est une république fondatrice, le nouveau pouvoir favorise le patriarcat de Moscou et finit par dissoudre l’Église autocéphale ukrainienne, qui survit en partie dans la diaspora et se réinstalle en Ukraine avec la fin de l’URSS.

L’Église géorgienne tente de restaurer son indépendance perdue lors de la conquête russe du Caucase. Ici aussi, lorsque l’Armée rouge conquiert la Transcaucasie pour y établir un régime soviétique, l’Église géorgienne est dissoute, mais elle parvient à survivre dans la clandestinité avan d’être reconnue par les autorités soviétiques (et le patriarcat de Moscou) en 1943.

Église russe 1914-1939

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
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Patriarcat Moscou 1813-1914

Nationalités et autocéphalie au XIXe s.

Au XIXe s., le monde orthodoxe prend un nouveau visage avec la montée en puissance des nationalités. Dès la création du patriarcat bulgare au Moyen Âge, l’autocéphalie est devenue un élément de souveraineté. L’essor des États-nation tend à créer des Églises nationales, ce qui est en contradiction avec le principe de territorialité sur lequel est fondé l’orthodoxie — c’est -à-dire que le fidèle doit relever d’une Église en fonction du lieu où il se trouve et non selon sa nationalité. Cela crée des situations complexes en diaspora, où les Églises autocéphales ont mis en place des structures parallèles qui coexistent sur le même territoire : le fidèle ne relève pas de l’évêque orthodoxe du lieu (puisqu’il y en a plusieurs), mais de telle ou telle Église autocéphale en fonction de son pays d’origine (patriarcat de Constantinople pour les Grecs, patriarcat de Moscou pour les Russes, patriarcat serbe pour les pays de l’ex-Yougoslavie, etc.).

Au cours du XIXe s., la déprise de l’Empire ottoman dans les Balkans se traduit aussi par une rétraction du patriarcat de Constantinople. En effet, les nations de la région se construisent politiquement contre l’Empire ottoman, et religieusement contre le patriarcat de Constantinople, perçu comme trop proche du pouvoir. Dans un monde où l’Église et l’État sont liés, il ne peut y avoir d’indépendance nationale sans indépendance spirituelle.

Une crise importante a lieu en 1872 : l’Empire ottoman essaie d’enrayer la montée du nationalisme bulgare par la création d’un exarchat bulgare, installé à Constantinople, et qui proclame son indépendance vis-à-vis du patriarcat de Constantinople. Le patriarche refuse de voir une partie de son ressort lui échapper sur une base nationale (et non du fait d’une indépendance qu’il faut admettre) et réunit un synode qui condamne le phylétisme (qu’on pourrait traduire par nationalisme religieux), c’est-à-dire que l’Église ne saurait être confondue avec une nation ou un peuple. Ce faisant, le synode pose les bases d’un problème fondamental de l’orthodoxie à l’époque contemporaine.

Le schisme entre l’Église bulgare et le patriarcat de Constantinople n’est réduit qu’après la Seconde Guerre mondiale…

Patriarcat Moscou 1813-1914

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
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Église russe 1589-1839

L’expansion du patriarcat de Moscou

L’autocéphalie de la métropole de Moscou a entraîné la division de l’Église russe. Le patriarche de Constantinople a en effet réinstallé un métropolite de Kiev qui a autorité sur les orthodoxes de l’État de Pologne-Lituanie. L’extension progressive de la Russie laisse les deux pays face-à-face pour le contrôle de l’Europe orientale, ce qui a aussi des effets sur un plan religieux.

À la fin du XVIe s., les orthodoxes de la Pologne-Lituanie se trouvent dans un pays dont le souverain, catholique, se perçoit comme le promoteur de la Réforme catholique en Europe orientale. Sur un plan plus politique, leur foi les rend suspects d’accointances avec la Russie. Lors d’un synode à Brześć (auj. Brèst) en 1590, le métropolite de Kiev, Michał Rahoza (biélorusse Mihal Rahoza, ukrainien Mihajlo Rohoza), et ses évêques signent une déclaration sollicitant une union avec l’Église romaine : ils acceptent de reconnaître l’autorité du pape et la théologie latine (Filioque, purgatoire) en échange du maintien de leur liturgie, leur droit canon et leurs traditions. Le pape Clément VIII (r. 1592-1605) accepte, et l’union est formellement proclamée en 1595. L’Église est dite uniate parce qu’elle est unie à Rome — adjectif abandonné car utilisé de manière péjorative par les orthodoxes — et ruthène car c’est la translitération du latin Ruthenus, qui signifie russe.

La même logique d’union par petites touches se retrouve dans les territoires des Habsbourgs, où plusieurs Églises orthodoxes se rallient à l’Église romaine. Les Habsbourgs ne se limitent pas à la stratégie d’union : ils mettent en place une métropole serbe. Lors de la Grande Guerre turque (1683-1699), les troupes des Habsbourgs ont franchi le Danube, ce qui a conduit à un soulèvement des Serbes. Avec la fin de la rébellion, nombre d’entre eux, conduits par le patriarche Arsenije III, se réfugient dans les territoires des Habsbourgs. L’empereur Léopold Ier (r. 1658-1705) reconnaît Arsenije III comme le chef spirituel des Serbes dans ses États. Après la mort d’Arsenije en 1706, l’empereur Joseph Ier (r. 1705-1711) décide d’abolir le titre patriarcal et crée la métropole de Karlowitz comme siège de l’Église serbe dans la monarchie des Habsbourgs.

L’expansion de la Russie entraîne l’extension du ressort du patriarcat de Moscou. La conquête de Kiev (1667) est un événement majeur. Pour Moscou, la possession de la capitale du premier État russe est une étape importante dans le « rassemblement des terres russes ». Kiev est aussi le berceau du christianisme en Russie. Dans un premier temps, le métropolite orthodoxe réinstallé par le patriarche de Constantinople après l’union de Brest se réfugie à Czehryń (auj. Čyhyryn) en 1657. Voyant que le patriarche de Moscou est décidé à prendre en charge la métropole de Kiev (il nomme un métropolite en 1685), le patriarche se résout à trouver un terrain d’entente.

Dans une lettre de 1686, le patriarche de Constantinople confie au patriarche de Moscou l’intronisation du métropolite de Kiev, à condition que l’Église continue de commémorer le patriarche de Constantinople et que le métropolite soit élu par le clergé de la métropole. Ce document est au cœur de la crise actuelle entre les deux patriarcats. Moscou considère qu’il s’agit d’un transfert pur et simple, et que la métropole de Kiev relève du patriarcat de Moscou, ce qui permet l’unité de l’Église russe. Constantinople y voit au contraire un expédient, une « économie* » : le patriarche de Constantinople n’a pas la capacité de s’opposer à la prise en charge par Moscou, donc il vaut mieux s’y résoudre plutôt que de créer plus de troubles.

Comme cela avait été le cas avec l’Empire byzantin, les conquêtes russes se traduisent par une absorption des autres Églises. Au début du XIXe s., la conquête du Caucase entraîne la disparition des Églises géorgiennes. Le particularisme de l’Église géorgienne est formellement pris en compte par la création d’un exarchat au sein du patriarcat de Moscou… mais l’exarque et le haut clergé sont russes et ignorent tout de la Géorgie.

À l’ouest, le dépeçage de la Pologne produit des effets contrastés sur l’Église ruthène. Dans la partie autrichienne, elle est consolidée par la création d’une métropole à Lemberg (auj. Lviv) et la restructuration en Église grecque catholique : grecque de par sa tradition byzantine, catholique par son rattachement à Rome — l’expression grecque catholique a d’ailleurs finit par remplacer le terme uniate. En revanche, dans la partie russe, elle subit la pression des autorités, jusqu’à la réunion d’un synode à Polotsk (1839), où une partie du clergé de l’Église ruthène rejette l’union avec Rome et proclame son retour à l’orthodoxie dans le giron du patriarcat de Moscou. Une partie rejette l’accord et tente de faire survivre l’Église ruthène, dont tous les biens ont été transférés à l’Église orthodoxe russe, dans la clandestinité.

* l’économie, du grec oikonomía (οἰκονομία), désigne le fait de ne pas appliquer la loi ou la règle car cette application compliquerait la situation au lieu de résoudre le problème.

Église russe 1589-1839

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
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Église russe 988-1589

La naissance de l’Église russe

L’Église russe apparaît avec le baptême du prince Volodiměrŭ (Vladimir en russe, Volodymyr en ukrainien, Uladzimir en biélorusse) à la fin du Xe s. (la date traditionnellement retenue est 988). Comme cette conversion était un des éléments qui scellait l’alliance entre la Russie et l’Empire byzantin, le patriarcat de Constantinople a tout fait pour éviter que ne se reproduise le cas bulgare, où une Église locale avait donné naissance à une Église autocéphale. De fait, malgré son éloignement, la métropole de Kiev est solidement ancrée dans le patriarcat de Constantinople.

Le XIIIe s. connaît de profondes modifications des équilibres au sein du monde orthodoxe. Après la conquête de Constantinople par les croisés en 1204, le patriarche s’installe à Nicée, où les Laskarides tentent de reconstituer un État byzantin. Il entre en conflit avec l’archevêque d’Ochrid, qui soutient un concurrent installé dans les anciennes provinces occidentales. Pour saper l’autorité de ce dernier, qui a juridiction sur les Slaves des Balkans, le patriarche reconnaît l’autocéphalie de l’Église bulgare, recréée en 1185, et accorde même l’autocéphalie à l’Église serbe. Ces Églises disparaissent au profit du patriarcat de Constantinople avec la conquête ottomane tant elles apparaissent comme des éléments de souveraineté de la Bulgarie et de la Serbie.

En Russie, l’invasion mongole a parachevé le processus de désagrégation en principautés. Le métropolite de Kiev se réfugie au nord, auprès de princes restés indépendants, à Vladimir puis à Moscou. Le patriarcat de Constantinople garde cependant le contrôle de la situation malgré des velléités d’émancipation. L’unité de l’Église russe est parfois remise en cause par la création d’une autre métropole pour couvrir les terres russes occidentales.

L’union des Églises est à l’origine de l’autocéphalie de l’Église russe. Le concile de Ferrare-Florence met fin au schisme entre les Églises latine et byzantine. L’Église byzantine reconnaît notamment la primauté pontificale ou la doctrine du purgatoire afin que le pape prêche une croisade contre les Ottomans en passe d’achever la conquête de l’Empire byzantin. Cet expédient politique fait l’objet d’un important rejet dans le monde orthodoxe.

L’Église russe en profite pour couper les ponts avec Constantinople, dont le patriarche est considéré comme hérétique pour s’être rallié aux Latins. En 1448, les évêques russes élisent le métropolite de Kiev (qui devient métropolite de Moscou en 1461) sans en référer à Constantinople. En 1458, le patriarche de Constantinople réinstalle un métropolite de Kiev et de toute la Russie, mais dont l’autorité est de facto limitée au territoire de l’État polono-lituanien. Lors d’un voyage en Russie, le patriarche de Constantinople, Jérémie II (r. 1572-1579, 1580-1584 et 1587-1595) accepte l’élévation du métropolite de Moscou au rang de patriarche. Le 26 janvier (5 février en calendrier grégorien) 1589, le métropolite Iov (Job) est intronisé patriarche de Moscou et de toute la Russie.

Église russe 988-1589

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 51°N et 35°E
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
Natural Earth

Licence Creative Commons
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Territoire Églises orthodoxess

Les Églises autocéphales

Territoire Églises orthodoxesLe monde orthodoxe est un monde mal connu, en particulier son organisation en Églises autocéphales. L’objectif de cette carte est donc de montrer les différents territoires canoniques et leur lien plus ou moins marqué avec les frontières des pays de tradition orthodoxe. Cela produit de nombreux points de contestation, signalés par des hachures, dont le plus important est L’Ukraine. L’histoire de cette complexification fait l’objet d’une série de cartes.

En plus des Églises autocéphales, j’ai représenté les Églises autonomes, ce qui est un moyen pour prendre en compte des spécificités locales.

Cette carte se concentre sur le cœur du monde orthodoxe mais, à ce titre comporte des manques. D’abord, il manque les territoires canoniques extra-européens : l’Église orthodoxe russe en Amérique (dont l’autocéphalie est partiellement reconnue), et les Églises autonomes de Chine et du Japon (patriarcat de Moscou). Étendre le domaine couvert aurait rendu la carte plus complexe pour un gain minime. La diaspora n’a pas non plus été prise en compte : son organisation très complexe nécessiterait plutôt une carte spécifique. Dernier manque : les Églises non canoniques, c’est-à-dire des Églises orthodoxes qui ne sont reconnues par aucune des Églises autocéphales, ne sont pas figurées, par crainte de rendre la carte trop complexe et illisible.

Logiciels utilisés : QGIS pour la conception de la carte, Illustrator pour la mise en forme.

Projection : projection azimutale de Lambert. Centre : 40°N x 29°E.

Côtes, lacs et cours d’eau : GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database) et Natural Earth.


Les Églises orthodoxes ont conservé le principe pentarchique issu des conciles œcuméniques et de la législation byzantine : l’Église est considérée comme une confédération d’Églises indépendantes, ou autocéphales, du grec autós (αὐτός) [soi-même] et kephalḗ (κεφαλή) [tête] — littéralement le fait d’être sa propre tête — ce qui signifie que le primat de chaque Église autocéphale ne dépend d’aucun autre évêque.

Si les principes n’ont pas changé, le nombre d’Églises autocéphales a connu d’importantes variations. La montée en puissance de nouveaux États s’est accompagnée de l’autocéphalie, l’indépendance de l’Église étant perçue comme le pendant spirituel de la pleine souveraineté politique. À l’inverse, la disparition d’un État entraîne souvent, à terme, l’absorption de l’Église par l’Église autocéphale liée au vainqueur. La création d’une Église autocéphale n’est pas un processus clairement défini faisant l’objet d’un consensus. En définitive, c’est souvent la situation de fait — la capacité à faire accepter cette autocéphalie — qui l’emporte.

Au début du XXIe s., il existe 14 Églises autocéphales reconnues par les autres Églises orthodoxes. Certains Églises autocéphales comprennent des Églises autonomes. Le degré d’autonomie peut varier, mais la désignation du chef de cette Église est au minimum soumis à l’approbation du chef de l’Église autocéphale, dont l’autorité s’exerce en dernier ressort. 2 Églises sont partiellement reconnues. L’Église orthodoxe en Amérique, qui a obtenu son autocéphalie du patriarcat de Moscou en 1970, n’est reconnue que par le patriarcat de Moscou, le patriarcat de Géorgie, le patriarcat de Bulgarie, l’Église orthodoxe autocéphale polonaise et l’Église orthodoxe des terres tchèques et de Slovaquie.

La décision du patriarcat de Constantinople de reconnaître l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine a conduit à une rupture avec le patriarcat de Moscou le 15 octobre 2018. Ce schisme, paroxysme du conflit larvé qui oppose les deux patriarcats depuis des années, menace l’unité du monde orthodoxe. Le patriarcat de Moscou considère que la métropole de Kiev lui a été transférée à la fin du XVIIe s., et que, par conséquence, l’Église ukrainienne est dans le ressort de l’Église russe. Le patriarcat de Constantinople voit dans ce transfert un expédient lié aux circonstances, et estime que, de jure, la métropole de Kiev n’a jamais cessé de relever de son autorité. De nouvelles circonstances — l’existence d’un État ukrainien souhaitant parachever son indépendance en coupant les liens spirituels avec Moscou — lui ont permis de réaffirmer cette autorité, fondement de la reconnaissance de l’autocéphalie. Pour l’heure, le patriarcat de Constantinople est le seul à reconnaître l’autocéphalie de l’Église d’Ukraine…


Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut d’étude des religions et de la laïcité.

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La quatrième croisade

La quatrième croisade

En 1187, Saladin s’empare de Jérusalem. Dans la foulée, il s’empare de presque tous les territoires des États latins, réduits à quelques points sur le littoral. La troisième croisade (1187-1192) parvient à rétablir la situation, mais sans reprendre Jérusalem : les croisés se contentent d’un accord garantissant le libre accès aux pèlerins chrétiens. Au passage, les croisés se sont emparés de Chypre, territoire byzantin érigé en royaume latin et qui sert de base arrière aux États latins.

Peu satisfait de ce résultat, Innocent III (r. 1198-1216) appelle à une nouvelle croisade dès le début de son pontificat. Cet appel est peu suivi : contrairement à ce qui s’était passé pour les deux croisades précédentes, peu de seigneurs importants répondent présent.

La croisade peine à s’organiser. En 1202, l’essentiel des troupes arrive à Venise, dont les activités commerciales ont été ralenties pour pouvoir réunir une importante flotte de transport vers l’Égypte, base du sultanat ayyoubide. Les croisés n’ont pas les moyens de payer la somme demandée. Le doge propose aux croisés de l’aider à mener des démonstrations de force en Adriatique pour consolider la présence vénitienne. C’est ainsi que les croisés assiègent et prennent Zara, ville chrétienne mais qui s’éloignait de l’orbite vénitienne. Innocent III réagit en excommuniant les croisés.

La politique byzantine rattrape la croisade. En 1195, l’empereur Isaac II (r. 1185-1195) a été renversé, aveuglé et emprisonné par son frère Alexis III. Le fils d’Isaac, Alexis, vient trouver les croisés et leur demande de l’aider à rétablir son père sur le trône impérial en échange d’une aide substantielle qui permettra aux croisés de réussir leur entreprise.

En 1203, la croisade paraît devant Constantinople et assiège vainement la ville, mais Alexis III s’enfuit, Isaac II est tiré de prison et Alexis couronné empereur. Celui-ci ne peut respecter ses engagements (ne serait-ce que parce Alexis III est parti avec la caisse) et met ses sujets sous pression pour collecter la somme promise, allant jusqu’à faire fondre les métaux précieux des icônes ! À cela s’ajoute une cohabitation difficile entre les habitants de Constantinople et l’armée croisée qui campe devant les murailles. En janvier 1204, après la morte d’Isaac II, Alexis IV est chassé du pouvoir, et Alexis V est couronné empereur. Il refuse d’honorer les engagements de son prédécesseur et commence à renforcer les défenses.

Les croises décident de prendre la ville pour leur propre compte. Après plusieurs échecs, la ville est finalement prise le 13 avril et pillée pendant trois jours. L’événement a une portée considérable, car la ville avait résisté à tous les sièges depuis sa fondation par Constantin et passait pour imprenable. Les croisés Venise se partagent le territoire byzantin, mais il leur faudra conquérir effectivement ces territoires : l’Empire, déjà travaillé par d’importantes forces centrifuges, se désagrège, et de nouveaux États s’organisent autour d’autorités locales. Deux ont clairement l’ambition de reprendre Constantinople et restaurer l’Empire byzantin : l’État d’Arta (Michel Doukas) et l’Empire de Nicée (Théodore Laskaris).

La prise de Constantinople a des conséquences religieuses importantes. Pour les croisés, et bientôt pour l’Église latine, elle est le signe de la faveur divine et la preuve de la condamnation des Byzantins, mauvais chrétiens qui n’ont pas soutenu la croisade. Innocent III, au départ furieux du détournement de la croisade, admet l’état de fait et tente d’imposer l’autorité de l’Église romaine à l’Église byzantine. De leur côté, les Byzantins considèrent certes avoir été châtiés par Dieu, mais que les Latins ont montré leur nature barbare et qu’en s’en prenant à leur coreligionnaire, ils n’avaient guère de chrétien que le nom.

Plus que la dispute qui aboutit au « schisme » de 1054, la quatrième croisade creuse un fossé infranchissable entre les deux chrétientés.

La quatrième croisade

Cette carte a été élaborée comme support des cours et formations de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection Projection conique conforme de Lambert
Parallèles standards 36°N et 44°N
Datum WGS 84
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)

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