religion

Les conciles œcuméniques

Les conciles œcuméniques

Lorsque Constantin légalise le christianisme, il découvre une religion divisée par des débats sur la nature du Christ. Après sa victoire dans la guerre civile, il demande aux évêques de trancher et de définir une position qui vaudra pour toute l’Église et qu’il s’engage à faire appliquer. Il convoque donc à Nicée (Constantinople, sa nouvelle capitale, est alors en chantier) une réunion (en latin concilium, d’où concile) de l’ensemble des évêques (d’où le grec latinisé oecumenicus, universel).

Le concile de Nicée (325) condamne l’arianisme. Arius, prêtre et théologien d’Alexandrie, enseigne que Jésus est bien dieu, mais à un degré moindre que le Père. Le concile de Nicée rejette cette doctrine et, au contraire, affirme que Jésus, le Fils, est de même nature (en grec homooúsios) que le Père. Dans le cadre de cette réfutations, les participants au concile rédigent le début du Credo (en latin je crois), document important qui contient les fondements du dogme chrétien.

La condamnation de l’arianisme ne fait pas taire la querelle. Un arianisme modéré, capable de faire la jonction entre la position nicéenne et la position arienne, aparaît même : l’homoiousisme, qui professe que Jésus est de nature semblable (en grec homoioúsios) au Père. En 381, le concile de Constantinople renouvelle la condamnation de l’arianisme et condamne toute formule qui ne reconnaîtrait pas l’identité de nature entre le Père et le Fils. Le Credo est alors achevé dans la forme qu’on lui connaît aujourd’hui.

Les questions de christologie se déplacent alors vers le rapport entre les deux natures (humaine et divine) de Jésus. Nestorius (v. 380 – v. 450), moine et prêtre formé à Antioche, et dont les sermons sont tellement appréciés que l’empereur Théodose II (r. 402-450) le nomme archevêque de Constantinople en 428, insiste sur leur séparation radicale, au point que Jésus Christ est deux personnes (une divine, une humaine), et que Marie n’a donné naissance qu’à la personne humaine et ne peut donc être dite Theotókos (mère de Dieu), qualificatif très populaire.

Les propositions de Nestorius déclenchent une importante controverse au sein de la Chrétienté. Pour faire taire ses adversaires, Nestorius demande à l’empereur de réunir un concile, qui se réunit à Éphèse en 431. Le concile, dominé par un de ses adversaires les plus résolus, le patriarche Cyrille d’Alexandrie (r. 412-444), condamne le nestorianisme et affirme le principe de deux natures distinctes mais unies dans une seule personne. L’Église de l’Orient, qui regroupe les chrétiens vivant dans l’Empire perse, rejette les décisions du concile et se sépare du reste de la Chrétienté. Elle est à l’origine de l’Église apostolique assyrienne de l’Orient, dont un groupe a reconnu l’autorité du pape au XVIe s. et constitue l’Église catholique assyrienne.

Certains vont trop loin dans leur critique de Nestorius. Eutychès (v. 380 – v. 456), moine de Constantinople, insiste tellement sur l’unité des deux natures qu’il finit par affirmer que la nature divine a absorbé la nature humaine — on parle de monophysisme (nature unique). En 451, le concile de Chalcédoine condamne les conceptions d’Eutychès. Il en profite pour réitérer la condamnation du nestorianisme.

Le concile de Chalcédoine est à l’origine d’un nouveau schisme : le rejet des affirmations d’Eutychès est universel, mais les formulations employées par le concile, qui insistent sur la différence entre les deux natures (deux natures sans confusion, sans altération, sans division, sans séparation), sont rejetées comme nestoriennes par certaines Églises, notamment l’Église d’Alexandrie (aujourd’hui Église copte orthodoxe), bientôt rejointe par l’Église d’Antioche (aujourd’hui Église syriaque orthodoxe), l’Église arménienne ou l’Église éthiopienne. Ces Églises sont dites monophysites par les Églises chalcédoniennes, mais elles refusent ce qualificatif et condamnent le monophysisme : elles se disent non-chalcédoniennes ou Église des trois conciles. Leur christologie est en fait miaphysite (nature unifiée). Contrairement au monophysisme, il n’a pas absorption de la nature humaine par la nature divine : les deux continuent d’exister, mais elles sont unifiées en une nature (reflet de l’unicité de la personne), qui est à la fois humaine et divine.

Ce schisme est plus problématique que le schisme de l’Église de l’Orient : en effet, il touche les chrétiens à l’intérieur même de l’Empire, dans des régions dont la fidélité est primordiale pour la survie de l’Empire — L’Égypte, grenier à blé, la Syrie, frontière avec le vieil adversaire perse. Le pouvoir impérial tente donc de réduire cette fracture.

La première tentative revient à Justinien (r. 527-565). Lors du deuxième concile de Constantinople (553), il fait condamner trois théologiens tenus jusque là pour parfaitement orthodoxes mais considérés comme nestoriens par les miaphysites. Cette tentative est un échec puisque cela semble conforter les miaphysites, qui attendent que les chalcédoniens fassent le dernier pas et reconnaissent leur erreur.

La deuxième tentative est soutenue par Héraclius (r. 610-641). À l’instigation de l’empereur, le patriarche Serge (r. 610-638) explique qu’il y a une unité dernière les actions de Jésus (on parle de monoénergisme). Devant l’opposition suscitée, l’empereur interdit la discussion concernant les « énergies » de Jésus, mais mentionne une volonté unique : on parle désormais de monothélisme. Cette formule n’a pas plus de succès : le pape Martin Ier (r. 649-653) s’y oppose vigoureusement, ce qui lui vaut d’être arrêté et exilé en Crimée ; une autre figure de l’opposition est Maxime le Confesseur (580-662), qui a la langue arrachée et la main droite coupée avant d’être exilé dans le Caucase. En 680-681, le troisième concile de Constantinople condamne le monothélisme et proclame l’existence de deux volonté en Jésus, une humaine et une divine.

Les deuxième et troisième concile de Constantinople, contrairement aux autres conciles œcuméniques, n’avaient pas rédigé de canons sur l’organisation et la disciple de l’Église. L’empereur Justinien II (r. 685-695 et 705-711) réunit un concile dans le palais impérial, dans une salle à coupole (en grec troúlos) d’où le nom de concille in Trullo. On parle aussi de concile Quinisextum (en latin) ou Penthéktē (en grec), qui signifient 5-6, car il complète les décisions des cinquième et sixième conciles œcuméniques. Il reprend aussi l’ensemble de la législation conciliaire. Les Églises orthodoxes voient dans ce concile un simple addendum aux conciles œcuméniques, ce qui donne à ses décisions une portée générale, tandis que l’Église romaine, qui n’y a pas participé, considère qu’il ne s’agit, au mieux, que d’un concile local dont les décisions n’ont de portée que locale. En tout état de cause, c’est un concile fondamental pour les Églises orthodoxes.

Le septième concile œcuménique est réuni dans des circonstances différentes. au VIIIe s., l’empereur Léon III (r. 717-741) promeut l’iconoclasme, c’est-à-dire la suppression des images comme support de dévotion. Son fils, Constantin V (r. 741-775) réunit un concile à Hiéreia, qui débouche sur la condamnation des images. Cependant, la résistance à l’iconoclasme, conduite notamment par les moines, est très forte. En 787, l’impératrice Irène, agissant au nom de son fils mineur, Constantin VI (r. 780-797), convoque un concile œcuménique, qui se réunit symboliquement à Nicée — sans compter que la population de Constantinople est très favorable à l’iconoclasme. Le concile condamne l’iconoclasme et promeut une théologie complexe de vénération des images. L’iconoclasme est de nouveau remis à l’honneur entre 815 et 843 avant d’être définitivement condamné.

Il est à noter que l’Église romaine réunit par la suite 14 conciles qu’elle considère comme œcuméniques, mais qui ne sont pas reconnus par les autres Églises chrétiennes.

Les conciles œcuméniques

Cette carte a été élaborée comme support des cours sur l’histoire du christianisme et des formations sur l’orthodoxie de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection de Gauss-Krüger
Méridien standard 29°1 E
Datum WGS 84
Topographie ETOPO1
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)

Licence Creative Commons
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Les montagnes monastiques

Les montagnes monastiques

Une des originalités du monachisme de la chrétienté orthodoxe est l’existence de montagnes monastiques, c’est-à-dire d’un ensemble de monastères installés sur une montagne. Ici, la montagne est un substitut aux déserts où se retirèrent les pères fondateurs du monachisme et de l’érémitisme. Aujourd’hui, seuls subsistent les Météores et le mont Athos, tous deux en Grèce, mais le phénomène a été bien plus important au Moyen Âge. Systématiquement, ces montagnes ont été le lieu de retraite d’ermites ; la popularité de ceux-ci a conduit à la construction de monastères pour leurs disciples, jusqu’au développement d’un nouveau modèle de laure, un établissement qui combine monastère cénobitique, avec quelques ermitages dépendants pour les moines prêts à se retirer plus encore du monde.

Les deux plus anciennes montagnes sont le mont Saint-Auxence et l’Olympe de Bithynie, où des ermites sont attestés respectivement aux Ve et VIe siècles. Pendant la crise iconoclaste (730-787 et 814-843), ce sont des bastions de la vénération des images. Le mont Saint-Auxence est mentionné une dernière fois à la fin du XIIIe siècle, les derniers monastères de l’Olympe de Bithynie sont attestés au XIVe siècle.

Les IXe-XIe siècles voient un renouveau de ces montagnes monastiques. La moins connue (jusqu’à sa localisation exacte) est le mont Kyminas, qui a eu l’existence la plus brève : les premiers moines sont attestés au milieu du IXe s., et les mentions disparaissent à la fin du Xe siècle. La tradition veut que le Latros ait abrité des moines fuyant les invasions arabo-musulmanes au VIIe s., mais l’activité monastique n’y est véritablement attestée qu’à la fin du VIIIe s. et ne cesse de croître… et périclite à la fin du XIIIe siècle. C’est à la fin du Xe s. qu’est fondée la plus prestigieuse de ces montagnes monastiques, au point qu’on la qualifie de sainte montagne : le mont Athos. Peu après, au début du XIe s., le mont Galèsion commence à accueillir ses premiers ermites. Au XIIIe s., il semble ne plus y avoir qu’un monastère du Galèsion, qui connaît un certain rayonnement. Le Galèsion cesse toute activité avec la conquête turque au XIVe siècle.

La dernière de ces fondations a lieu au début du XIVe siècle : les Météores, dont le développement a été aidé par l’arrivée de moines de l’Athos fuyant les raids des pirates turcs dont les monastères athonites étaient victimes dans la deuxième moitié du XIVe siècle.

montagne monastiques de la chrétienté orthodoxe

Cette carte a été élaborée comme support des cours du soir de l’Institut européen en sciences des religions.

Projection Transverse universelle de Mercator, fuseau 35 nord
Datum WGS 84
Topographie ETOPO1
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)

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Conversion Europe orientale

La conversion de l’Europe orientale

À partir du IXe s., on observe un renouveau de l’effort missionnaire chrétien. Si dans l’ouest des Balkans, la progression du christianisme est le résultat d’une lente diffusion à partir des régions christianisées, ailleurs, cet effort vient en grande partie de la volonté des souverains d’Europe orientale d’entrer dans la Chrétienté. Pour les dirigeants de ces États en constitution, le christianisme apparaît aussi comme un moyen de renforcement de leur autorité. Du côté des États chrétiens, la conversion des voisins est un moyen pour étendre son influence et pour établir des relations pacifique — ils partent du principe que des chrétiens ne feront pas la guerre à leurs correligionnaires.

Lorsque le duc de Grande Moravie Ratislav (r. 846-870) fait appel au patriarche de Constantinople, il a deux objectifs : consolider le christianisme dans un pays en cours de conversion, et contrecarrer  l’influence du clergé franc venu de Germanie. Les frères Constantin (qui deviendra moine sous le nom de Cyrille) et Michel (moine sous le nom de Méthode) ont une action décisive en décidant de traduire en slavon la liturgie et les textes sacrés — en élaborant au passage un alphabet prenant en compte les spécificités de cette langue. Cependant, leur mission est captée par la papauté… et réduite à néant par Svatopluk (r. 870-894), qui chasse les disciples de Cyrille et Méthode.

La Bulgarie donne lieu à un accrochage plus grave entre les chrétientés latine et byzantine. Pour l’Empire byzantin, convertir les Bulgares est l’espoir de mettre fin à l’état de guerre quasi-permanent avec ces voisins particulièrement redoutables. De son côté, le khan Boris (r. 852-889) envisage l’adoption du christianisme dans le cadre du renforcement de son autorité : il ne s’agit donc pas de mettre en place une Église qui serait contrôlée par le patriarche de Constantinople. Le khan fait donc jouer la concurrence. Missionnaires latins et byzantins ont donc l’occasion de comparer leurs pratiques et de dénoncer leurs différences (pains azymes ou avec levain, mariage des prêtres, Filioque…) comme autant de déviances de l’orthodoxie, le tout envenimé par le conflit entre le pape Nicolas Ier (r. 858-867) et le patriarche Phôtios (r. 858-867 et 877-886). Finalement, Boris choisi Constantinople et se fait baptiser sous le nom de Mihail (Michel) : l’Église bulgare sera autocéphale (autonome) sous l’autorité théorique du patriarche. L’arrivée en Bulgarie des disciples de Cyrille et Méthode permet la consolidation de cette Église particulière, avec expulsion du clergé grec.

Dans l’ensemble, ce mouvement de conversion a plutôt bénéficié à l’Église latine. La plus belle réussie du patriarcat de Constantinople reste la conversion des Russes, ce qui garantit une alliance solide avec la grande puissance d’Europe de l’Est. Jusqu’au XVe s., la métropole de Kiev, malgré les velléités d’indépendance, est parfaitement tenue en mains par le patriarcat.

Conversion Europe orientale

 

Cette carte a été élaborée comme support des cours sur l’histoire du christianisme et des formations sur l’orthodoxie à l’Institut européen en sciences des religions.

Projection projection azimutale équivalente de Lambert
Centre 40° N et 19° E
Datum WGS 84
Topographie (ombrage) ETOPO1
Hydrographie (côtes, cours d’eau, lacs) GSHHG (Global, Self-consistent, Hierarchical, High-resolution, Geography Database)
Natural Earth

Licence Creative Commons
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Carte du Mont Athos Grèce

Mont Athos

Le mont Athos (aujourd’hui République monastique du mont Athos) est une montagne monastique qui abrite vingt grands monastères associés à des ermitages (skites). C’est un des lieux emblématiques du monde orthodoxe.

La fortune du mont Athos commence avec la fondation par Athanase du monastère de la Grande Laure (ou monastère de Lavra) en 963. Cette fondation rompt avec la tradition qui prévalait alors sur la Sainte Montagne, où vivaient des ermites attirés par ce lieu difficile d’accès.  Désormais, le passage dans un monastère est conçu comme une étape qui prépare à la vie érémitique.

Le succès est immédiat. Les disciples d’Athanase fondent de nouveaux monastères, et des moines venus de tout le monde orthodoxe (Géorgiens, Russes, Bulgares, Serbes, Roumains…) s’installent à leur tour. Les fondations bénéficient du soutien de l’empereur, du patriarche et des princes locaux. Au fil du temps, le mont Athos devient la forteresse de l’orthodoxie où, comme l’écrit Jean Cantacuzène au XIVe s., les moines de l’Athos sont « comme Atlas et soutiennent le monde par leurs prières ».

Carte du Mont Athos Grèce

Cette carte a été élaborée comme support des cours sur l’histoire du christianisme et des formations sur l’orthodoxie de l’Institut européen en sciences des religions.

Projectionprojection de Gauss-Krüger
Méridien standard24°15 E
DatumWGS 84
TopographieEU-DEM (Digital elevation model over Europe)
CôtesOpenStreetMap
Licence Creative Commons


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